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bande dessinée - Page 24

  • Habibi, mon amour

    Attention, chef d'œuvre ! Habibi de Craig Thompson est à placer dans le panthéon des très grandes bandes dessinées qui vont marquer durablement le 9ème art. Ce livre d'une richesse incomparable a été salué comme l'un des meilleurs romans graphiques de ces dix dernières années. 

    Il est difficile de résumer cette œuvre monumentale (plus de 670 pages), piochant ses références dans les Contes des Mille et une Nuits, les textes sacrés du Coran et de la Bible, mêlant modernité et traditions, sacré et érotisme, amour et violence, récit prosaïque et réflexions sur le symbolisme, le tout servi par un scénario passionnant et un graphisme élégant, poétique et bourré de trouvailles visuelles.   

    Habibi ("Mon amour") c'est Zam, jeune esclave noir que recueille Dodola, elle aussi esclave, vendue par son père dès son plus jeune âge pour être mariée, avant d'être enlevée. Sur un marché aux esclaves, la jeune fille prend sous sa protection Zam, un bébé abandonné et l'élève comme un petit frère. Les deux enfants parviennent à s'enfuir dans le désert jusqu'à un navire abandonné (sic) qui leur sert de refuge. Au bout de plusieurs années de cette vie libre mais dure, fusionnelle et rythmée par des histoires que lui raconte Dodola, le couple est séparé. Celle dont la beauté est devenue légendaire est enlevée une nouvelle fois et devient la courtisane préférée d'un sultan. Elle n'a cependant pas oublié cet enfant qu'elle a élevé. Habibi, resté seul, part à sa recherche. Ses pas le mènent jusqu'au palais du sultan ...

    Vous aurez compris que l'amour est au centre de cette histoire digne des meilleurs contes orientaux. Cette fresque romanesque offre des résonances multiples et complexes : les personnages mythiques ou historiques sont au service de messages universels et modernes : ainsi, dans Habibi, Noé devient un truculent pêcheur de poissons – morts ! – recueillant dans son habitation sordide les éclopés et les rejetés d'une ville rongée par la pollution et la pauvreté. Le lecteur peut être déstabilisé par le choix d'entremêler passé et présent dans cette œuvre foisonnante : Zam et Dodola sont ballottés au milieu de personnages qui ne dépareilleraient pas dans les Contes des Mille et une Nuits – satrapes cruels et capricieux, marchands d'esclaves sans foi ni loi, bourreaux impitoyables, eunuques ou courtisanes – mais se débattent aussi dans un présent plus familier – cités contaminés, usines gigantesques, véhicules motorisés... 

    Le lecteur a beau être désarçonné, la magie opère : Habibi et Dodola prennent vie, devenant un des couples les plus poignants de l'histoire de la bande dessinée. Un chef d'œuvre ambitieux, éblouissant et inoubliable. 

    Craig Thompson, Habibi, Casterman, 671 p.

  • Aimez-vous Tamara Drewe?

    Tamara Drewe de Posy Simmonds peut être qualifié de roman graphique. Et pas des moindres. Le terme de roman graphique mérite que l'on s'y arrête : ce vocable un peu gadget est sensé qualifier des bandes dessinées pour adultes, généralement un peu plus bavardes et (donc) plus sérieuses que les autres livres de ce genre. Or, Tamara Drewe est bel et bien le plus bel exemple de roman graphique. Dans ce livre qui fait la part belle à la littérature, le texte est riche et omniprésent au point que, sur certaines pages, les dessins servent avant tout d'illustrations. L'écrit est d'ailleurs au centre de ce remarquable livre, qui a par ailleurs fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2010, réalisée par Stephen Frears, avec Gemma Aterton dans le rôle principale (voir la vidéo en bas de cet article). 

    Dans un cottage anglais, Beth Hardimann gère en maîtresse femme une résidence pour écrivains en compagnie de ses deux employés, Mary et Andy, un sémillant jardinier. C'est également elle qui gère la carrière de son mari, Nicholas, écrivain à succès, imbu de lui-même en plus d'être volage.

    Débarque Tamara Drew en plein été. Cette journaliste, originaire de cette campagne anglaise et tout juste débarquée de Londres, est bien décidée à s'installer à Winnards Farmhouse, la ferme voisine.

    Qui n'aimerait pas Tarmara Drewe ? Trentenaire chroniqueuse dans un quotidien national, pétillante, indépendante, sensible, elle ne laisse personne indifférent, à commencer par les hommes, Nicholas, Andy – et bien d'autres. Son arrivée dans cette campagne tranquille va complètement bouleverser, pour le meilleur et pour le pire, les petites vies tranquilles et mornes de ses habitants. 

    Posy Simmonds croque avec génie, grâce, humour mais aussi cruauté des personnages emportés par le souffle de la passion, du désir, de la concupiscence, de la jalousie mais aussi de la frustration. L'auteur réserve ses plus belles flèches pour le petit monde de la culture – écrivains ambitieux, intellectuels prétentieux, stars sur le retour, journalistes indiscrets. Posy Simmonds se fait balzacienne lorsqu'elle dépeint la comédie humaine de cette modeste région anglaise. Quant à l'héroïne principale, c'est le personnage le plus romanesque qui soit, et, assurément, il est impossible de ne pas aimer Tamara Drewe. 

    Posy Simmonds, Tamara Drewe, éd. Denoël Graphic, 2008

  • Gen d'Hiroshima, gens d'Hiroshima

    Gen d'Hiroshima, chef d'œuvre de la bande dessinée, fait partie de ces livres que l'on n'oublie pas.

    Cette série d'une dizaine de tomes, célèbre et adulée au Japon dès sa sortie en 1973, a connu une existence plus tardive en Occident ; cependant, son influence est certaine : Art Spiegelmann, l'auteur de Mauss, bande dessinée majeure sur la Shoah, explique dans la préface de Gens d'Hiroshima toute l'importance de ce manga. Un manga qui, comme son titre l'indique, aborde une autre des grandes tueries de la seconde guerre mondiale : le bombardement nucléaire d'Hiroshima.

    Le premier tome de cette bande dessinée autobiographique déroule sur plus de 250 pages la survie d'une modeste famille de cette région du Japon, relativement préservée jusqu'en 1945 par les bombardements. Dans ce pays en guerre où la dévotion à l'Empereur et à à la grandeur de la nation, la population souffre mais doute également. La famille de du jeune Gen survit difficilement aux privations et aux obligations martiales, d'autant plus que le père, homme courageux et au caractère bien trempé, s'avère un pacifiste convaincu. La majeure partie de ce premier volume suit les petits et les grands faits de cette famille soudée : un père se battant pour ses idées dans un Japon rigoriste et militariste, une mère enceinte et épuisée par les privations et les enfants - Gen et ses frères et sœurs. Au milieu de la petite histoire, des focus sur la grande histoire – la guerre du Pacifique et les préparatifs des bombardements nucléaires – nous rappellent qu'un terrible drame va se jouer.

    Les vingt dernières pages de ce tome sont proprement hallucinantes. Le lecteur entre au cœur du bombardement nucléaire tel qu'il a été vécu par les victimes. L'auteur, qui a vécu lui-même cet événement (Keiji Nakazawa, est mort d'un cancer fin 2012), dévoile la réalité crue des ravages de l'arme nucléaire, transformant la ville paisible d'Hiroshima en une zone digne des pires films d'horreur. Les dernières pages de ce livre n'assènent aucun message : ils giflent le lecteur en montrant la réalité crue et insoutenable de la bombe A sur des victimes prises au piège.

    Terrible chef d'œuvre ! Inoubliable.

    Keiji Nakazawa, Gen d'Hiroshima, Ed. Vertige Graphique, 2003, 274 p.

     
    Gen d'hiroshima par cinemasian

  • Le bleu est une couleur chaude

    Le film "La Vie d'Adèle" a mis opportunément sur le devant de la scène la bande dessinée Le Bleu est une Couleur chaude, dont il est l’adaptation.

    L'histoire ? Un coup de foudre entre deux jeunes filles que beaucoup de choses opposent a priori. Clémentine, lycéenne, croise Emma, une étudiante aux beaux-arts. Leur rencontre est celle d'une initiation au désir, à l'amour et aussi une invitation à assumer son propre destin.

    Un grand livre, graphiquement très réussi.

    Julie Maroh, Le bleu est une couleur chaude, éd. Glénat, 2010